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    Je n'ai jamais vu mon père avoir un geste tendre pour ma mère. L'inverse est vraie aussi.

    Je suis un bébé pilule. Un accident. Une indésirée.

    Je peux le comprendre.

    Lorsque ma mère a rencontré mon père, il était SDF. Elle lui a ouvert sa porte. Elle débarquait de sa campagne profonde. Elle était jeune, fraîche, jolie et neuve. Ils ont eu un bébé. Pas prévu le bébé. Ma sœur. Ils vivaient dans une chambre de bonne, sans chauffage et sans eau. Ils y sont resté. Pas moyen de se payer autre chose. A cette époque ils étaient heureux. Ils bouffaient de la vache enragée mais ils s'aimaient. Pour eux, l'essentiel était là.

     14 mois après ma sœur, un deuxième bébé est né. Toujours pas prévu.. mais je viens de le dire, ils s'aimaient. Bébé était malade. Une malformation cardiaque qui se soigne relativement aisément en 2004. mais ça se passait en 1970. Bébé a emménagé à l'hôpital à l'âge de deux mois. Il y est resté plus de trois ans. L'hôpital était loin, et ils n'avaient toujours pas d'argent. Alors ils allaient voir leur fils à tour de rôle. Une fois par mois.

    Un peu moins de deux ans plus tard ils ont fait un autre bébé. Pendant la grossesse ils se sont mariés. Sans leur famille et sans robe de mariée. Pas les moyens. Ils ont pu emménager dans un appartement avec eau, chauffage et même électricité dans une cité HLM. La maman en a pleuré d'émotion en le visitant.

     A trois ans et demi, petit garçon est revenu vivre avec sa famille. Sa maman s'est battue comme une tigresse pour le scolariser. Il a vécu une vie de petit garçon normal pendant un an. Puis, suite à un examen de routine il est tombé dans le coma. Il a été difficile de joindre ses parents qui n'avaient pas le téléphone. Une voisine est venue les réveiller ; un autre voisin les a conduits à l'hôpital. L'infirmière de garde rencontrée dans le couloir leur a annoncé sans plus de précaution que leur fils était mort, et a poursuivi sa route.

    Le papa a bien essayé d'aider sa femme mais elle s'est enfoncée. En apparence elle faisait face. Elle s'occupait de ses enfants. Mais à l'intérieur elle n'existait plus sans son fils. Il s'est éloigné d'elle, elle est restée  dans sa douleur. Ils vivaient côte à côte mais leur couple était mort en même temps que leur petit garçon.

    Je suis un bébé pilule disais-je. Je suis née bien après tout cela. un accident. J'ai un prénom composé. Composé du prénom choisi par chacun de mes parents qui n'ont pas su tomber d'accord.

    La situation s'est dégradée entre eux au point de rendre l'atmosphère familiale irrespirable.

    Des scènes me hantent. Balisant mon enfance.

    Mes parents s'engueulent à propos de l'argent qu'ils n'ont pas et que mon père dilapide. Une assiette de petits pois me passe devant le nez et va s'écraser sur le buffet. Mon père se lève de table et met ma mère dehors, en la tirant par le col, imprimant des marques sur son cou.

    Devant la fenêtre, des échanges violents au cours desquels ma mère risque à tout instant de basculer quatre étages plus bas.

    Mon frère qui tient un couteau contre le ventre de mon père en lui demandant de la lâcher.

    Une fuite en pleine nuit direction la gendarmerie.

    Tant d'autres encore.

    Mon père n'a été tendre avec moi qu'en de très rares occasions pendant mon enfance. Il vivait sa vie sans se préoccuper de sa famille. Disons qu'il savait vaguement que trois enfants vivaient aussi à la maison.

    A la mort de mon frère il s'est lancé dans une quête spirituelle dont il n'est jamais sorti. Besoin de savoir où était parti son fils adoré. Il a fréquenté de nombreuses églises parallèles flirtant avec les sectes. En nous entraînant dans son sillage. Je me souviens de dimanche entiers agenouillée a attendre la fin improbable de cultes interminables. Je me souviens des longues prières ponctuant les journées. Je me souviens de veillées imposées, à écouter des messages religieux sur bandes magnétiques alors que nous aurions dû être couchés depuis longtemps. C'est aussi pour cela que tant de conflits éclataient entre mes parents. Je me souviens aussi de mon père laissant ma sœur (alors adolescente) inconsciente, gisant sous la bibliothèque dans sa chambre dévastée parce qu'elle avait osé parler de Dieu en disant « l'autre là haut ».

     

    Je devais avoir huit ans lorsque notre médecin m'a éloignée de ma famille. Je stagnais à l'école. Je ne jouais pas avec les enfants de mon âge. Je faisais des crises d'angoisses et de larmes. J'étais chaque nuit réveillée par des terreurs nocturnes... tant d'autres choses encore. Je m'enfonçais dans une dépression profonde. Pendant trois mois, je n'ai eu de contacts avec mes parents que par courrier ou téléphone.

    Il aura fallu toute la patience et la persuasion de ma sœur, 17 ans à l'époque, pour que ma mère finisse par quitter mon père. Elle ne l'aurait jamais fait sinon. Le poids de son éducation ainsi que son histoire familiale à elle, particulièrement difficile, faisaient que quoi qu'il arrive on ne sépare pas des enfants de leur père.

    Nous avons emménagé dans notre appartement en juin 1988. ce jour là, j'ai commencé à respirer.

    A l'adolescence j'ai repris le dessus. A plusieurs reprises je l'ai littéralement viré de chez nous parce qu'il dépassait les bornes. Nous faisons à peu près la même taille mais j'avais l'avantage de la jeunesse. Je n'avais plus peur de lui.

    Mon père vit seul dans un appartement qui ne ressemble plus à rien à force de n'être pas entretenu. L'alcool lui a permis d'oublier sa vie d'avant. Les quelques fois où j'ai essayé d'aborder le sujet pour essayer de me décharger un peu il a nié en bloc.

    Je vais le voir parfois. Par politesse. Par égard par le spermatozoïde dont il a fait don pour que je naisse. Il participe à la vie de notre famille. Il est invité à noël et aux anniversaires. Je me sens mieux quand il n'y vient pas. Dès qu'il me voit il m'enlace, m'embrasse. Vu de l'extérieur il passerait presque pour un père aimant. Il ignore mon âge exact, n'a jamais retenu ma date de naissance.

    S'il quitte ce monde avant moi je serai inconsolable. Mais je ne pleurerai pas le père que j'aurai perdu. Je pleurerai celui qu'il n'a jamais été.


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  • Je suis vraiment désolée.

    Pas le temps de blogguer.

    Pas le temps du tout....Qui a dit que les enseignants ne foutaient rien?

    En vacances vendredi.

    Je vais devoir passer les premiers jours à vous lire.

    Je reviens.

    Je vous embrasse.


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  • Si si, ça m'amuse de mettre cette photo.

    Et non, je ne sors pas... c'est MON blogg! non mais!

    J'ai des tas et des tas de posts en retard. lls sont là dans ma tête, bien au chaud. Je n'ai pas le temps de les écrire.

    Et ce n'est pas ce week end que je le ferai.

    A lundi.

    peut être


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  • J'ai passé une mauvaise nuit.

    Très mauvaise.

    Peupléede cauchemars.

    Pas de réveils en sursaut.

    Un sommeil de plomb.

    Pas réparateur.

    J'ai l'impression de tout percevoir au ralenti.

    Je me sens mal.


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  • Tu te souviens? je garde tout, je ne jette rien... pas étonnant qu'il y ait tant de choses dans ma maison!

    Ton arrivée sur mes pages m'emplit d'aise . Tu as ta place ici, invité privilégié. s'il y avait un carré VIP tu y aurais ta place. Et tu as raison, le meilleur moyen d'avoir de mes nouvelles est encore de fréquenter ces lieux.

    Tu resteras un très joli souvenir. De notre rencontre à nos dernières minutes partagées tu n'as été qu'un grand sourire pour moi. C'était une période très sombre pour moi. Tu le savais. tu as été en tous points à la hauteur. De ça, je ne saurai jamais assez te remercier.

    Notre histoire était atypique. Je crois qu'elle nous a fait beaucoup de bien, à tous les deux. nous avions un cap à passer, chacun dans notre vie. Notre rencontre nous y a aidé.

    Je garderai un souvenir attendri de nos longues ballades dans ta jolie voiture. Du moment de notre rencontre, lorsque tu ne pouvais soutenir mon regard. Tu es un garçon absolument adorable. je garde le souvenir aussi de moments doux, complices...

    J'aimerais cependant chasser le souvenir de ces images que tu m'as montrées et qui ont fait rejaillir des souvenirs si douloureux. Mais là encore tu as été à la hauteur. parfaitement présent. Merci.

    Ma seule crainte dans tout cela était de te faire perdre d'une maladresse la femme que tu aimes.

    Une parenthèse dans le froid de notre hiver. Un peu de chaleur humaine à partager. Se tenir la main pour avancer. Je me souviens parfaitement de notre dernière rencontre. Une nouvelle vie m'attendait. un  bonheur me tendait les bras. Tu te réjouissais pour moi. Et je crois que c'était sincère.

    Je ne regrette rien.


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